La question est rhétorique. «Expatrié» et «immigré», dans leur utilisation courante, renvoient généralement aux mêmes personnes : des travailleurs ayant quitté leur terre natale pour s’installer dans un autre pays. Pourtant, selon certains, les deux termes ne désignent pas nécessairement les mêmes populations.
«Les Africains sont des immigrés. Les Arabes sont des immigrés. Les Asiatiques sont des immigrés. Les Européens, eux, sont des expats, parce qu’il ne saurait être question de les placer au même niveau que les autres. Ils sont supérieurs. “Immigré” est un terme destiné aux races inférieures», affirme le blogueur togolais Mawuna Remarque Koutonin dans une chronique reprise par The Guardian et Courrier international.
Pour étayer ses propos, il cite l’exemple d’un travailleur africain anonyme. «Je travaille pour des organisations multinationales, aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public. Mais étant noir ou de couleur, je n’ai pas droit au terme d’“expat”. Je suis un immigré hautement qualifié, comme ils disent pour être politiquement correct».
L’exemple de la dynamique entre les communautés à Hong Kong est, à ce titre, éloquente. Dans cette ancienne colonie britannique où «tout le monde semble venir d’ailleurs», selon l’écrivain canadien Christopher DeWolf, «certains arrivants sont considérés comme des expats, alors que d’autres sont des immigrants et certains, de simples migrants», explique-t-il dans un blogue consacré aux expatriés dans le Wall Street Journal.
Là-bas, dit-il, «les domestiques philippins ne sont que des invités, même s’ils sont là depuis des décennies». À l’inverse, «quiconque a des racines occidentales est considéré comme un expat».
Ruchika Tulshyan rejette l’affirmation selon laquelle le mot «expatrié» dénote un préjugé racial. Cette journaliste, qui se considère comme une nomade planétaire («global nomad») – elle est née à Singapour de parents indiens, et a étudié à Londres et à New York, avant de s’installer à Seattle –, affirme qu’il s’agit d’un mot imparfait servant de «raccourci pour un concept beaucoup plus nuancé que “personne-riche-et-blanche-vivant-à-l’étranger-sans-désir-de-s’intégrer”».
Dans le Wall Street Journal, elle explique que le terme «expat» soulève plutôt une discrimination socioéconomique : certains utiliseraient ce mot et cette distinction comme une manière de s’élever au-dessus du statut d’immigrant. «Les expatriés n’hésiteraient pas à changer de pays si une meilleure opportunité économique se présentait, alors que la plupart des immigrants déménagent avec l’intention de prendre durablement racine dans leur nouveau chez-soi».
La distinction entre «expat» et «immigré» se fait en fonction de la classe sociale et du statut économique, acquiesce Christopher DeWolf, qui considère cela comme une façon rétrograde de voir les choses. «L’interprétation plus contemporaine du terme “expat” a davantage à voir avec les privilèges. Les expatriés sont libres d’errer entre les pays et les cultures, des privilèges qui ne sont pas octroyés à ceux qui sont considérés comme des immigrants où des travailleurs migrants.»
Malgré tout, à Hong Kong comme ailleurs, le pays d’origine reste déterminant pour distinguer les expatriés des immigrés, note-t-il.
«Même si un domestique étranger passe le reste de sa vie à Hong Kong, il/elle a peu de chance de se voir accorder la résidence permanente. À l’inverse, Hong Kong m’offrira l’ensemble de ses droits et de ses protections une fois que j’y aurai vécu sept ans – mais j’ai souvent le sentiment qu’il n’y a pas beaucoup d’attente de réciprocité, au contraire des États-Unis, où l’on attend des immigrants qu’ils apprennent l’anglais et adoptent un certain ensemble de valeurs.»
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