mardi 16 juin 2015

Grèce : la faute aux prêteurs ?

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Photo : Pixabay
Rien ne va plus depuis la rupture des négociations, dimanche, entre la Grèce et ses créanciers.
Blogue Economie
Le premier ministre grec ne mâche pas ses mots envers le Fonds monétaire international (FMI), la Banque centrale européenne (BCE) et ses partenaires de la zone euro — soit directement, soit par l’entremise du Fonds européen de stabilisation financière. Tous, ils humilieraient la Grèce, pilleraient le pays et l’étrangleraient financièrement. Alexis Tsipras prête même une «responsabilité criminelle» au FMI, rapporte le quotidien Les Échos.
On connaît l’enjeu. La Grèce est accablée par une dette de 321,7 milliards d’euros, ce qui correspond à 177 % de son PIB.
Chaque remboursement d’un prêt venant à échéance est réalisé grâce à l’obtention d’un nouveau prêt consenti par le même groupe de créanciers.
Par exemple, la Grèce doit rembourser 8,3 milliards d’euros au FMI et à la BCE entre le 30 juillet et le 20 août, une somme qui ne peut être acquittée sans le déblocage d’un crédit de 7,2 milliards de dollars déjà consentis, mais remis en question si le pays ne respecte pas certaines conditions.
Jusqu’à 80 % de la dette grecque est détenue par des partenaires publics voulant s’assurer que le gouvernement d’Athènes réalise les économies budgétaires qui lui permettront de rembourser ses prêts plus facilement et le mettront finalement à l’abri d’un défaut de paiement.
De son côté, le gouvernement grec soutient que les conditions exigées par ses prêteurs se traduisent forcément par des mesures d’austérité insoutenables pour la population et qui empêchent de surcroît la croissance économique, de meilleures rentrées fiscales et une meilleure gestion de sa dette publique.
Par exemple, le gouvernement grec craint que la hausse de taxe de vente exigée par les créanciers européens nuisent à la compétitivité du tourisme et prive conséquemment le pays de précieuses rentrées d’argent. La diminution des pensions, une autre demande européenne, aurait aussi des répercussions sur la consommation et l’économie.
Les créanciers ont perdu confiance dans la capacité de la Grèce à faire le ménage et à rétablir sa situation. Dans le Financial Times, on se demande : comment se fait-il que la Grèce a un budget militaire si élevé et qu’elle semble toujours avoir assez d’argent quand il s’agit d’acheter des sous-marins ou de remplacer des avions ?
La Grèce dépense l’équivalent de 2,5 % de son PIB pour ses dépenses militaires, comparativement à 1 % pour le Canada ou à 1,3 % pour l’Allemagne. L’armée grecque embauche 3 % de la main-d’œuvre totale du pays, soit proportionnellement 10 fois plus que le Canada, 7,5 fois plus que l’Allemagne et plus de trois fois plus que les États-Unis.
Le gouvernement grec défend sa souveraineté et sa légitimité, puisqu’il a été élu avec un programme antiaustérité.
Les gouvernements européens rétorquent qu’ils sont eux-mêmes redevables envers leurs électeurs et contribuables, et que c’est grâce à leur intervention et à leurs engagements financiers que la Grèce ne s’est pas encore retrouvée en défaut de paiement. Ce n’est quand même pas de leur faute si les gouvernements grecs successifs ont accumulé cette dette en trichant sur leurs comptes, en dépensant au-delà des moyens du pays et en ne récoltant pas les recettes fiscales nécessaires.
L’impasse est donc totale.
Alexis Tsipras monte le ton et nargue ses partenaires en assistant, cette semaine, à une conférence internationale qui a lieu à Saint-Pétersbourg, en présence de Vladimir Poutine.
Les Européens paraissent excédés, et on semble envisager plus sereinement — surtout en Allemagne — une sortie de la Grèce de la zone euro. La dette grecque est détenue par des institutions publiques et ne peut plus affecter les grandes banques européennes comme c’était le cas il y a quelques années. La dette grecque ne représente aussi que 3 % du PIB européen.
En attendant le dénouement du dernier acte de cette tragédie amorcée en 2008-2009, le prix des obligations grecques sur deux ans frôle les 30 % et les marchés financiers, surtout européens, sont nerveux.
La sortie de l’euro — la Grexit, comme on la surnomme — ne se fera pas sans heurts, et elle soulève plusieurs questions juridiques et financières. Elle créerait un précédent que les Européens ne souhaitent pas.
Pour la Grèce, le défaut de paiement est une aventure encore plus périlleuse. Les banques grecques seraient fragilisées ; de nombreux Grecs voudront sans doute transférer leur argent hors du pays ; une nouvelle monnaie serait dépréciée face à l’euro ; et un pays en situation de défaut aura du mal à se financer.
La suite du feuilleton jeudi, alors que les ministres européens des Finances se retrouvent au Luxembourg.

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